samedi 14 avril 2012

Par le pouvoir du râle ancestral

- Hannnnn !
- 14, allez, un dernier !
- Rhhhhhâââ !!
- 15, c'est bien, 30 secondes de récupération, et tu repars pour une 3ème série de 15.
- Mais je ne vais pas y arriver, Pascal : j'ai MAL !! ça brûle, là...
- Je sais, je sais... franchement, je compatis, je sais par quoi tu passes et  j'ai mal pour toi.... Tu repars dans 10, 9, 8...
- Sérieux ?!
- 7,  6, sérieux, 5, 4,
- ...
- 3, 2, 1, c'est parti ! Tu touches le banc et tu remontes.

Aujourd'hui, c'est la première fois qu'on fait des "air squats", pour travailler les quadriceps (les grands muscles, là qui se situent à l'avant des cuisses). Je pense que ça fait 20 ans que je n'en ai pas fait. A la base, il faut que vous compreniez que mes cuisses sont... des poufs. Confortables, mais informes. Quand Pascal m'a annoncé que j'allais faire 5 séries de 15 à 20 répétitions, chacune en 30 secondes, j'ai réprimé dans le creux de ma main quelques spasmes nerveux qui se voulaient être des rires. Je pense qu'au fond de moi, je me disais que je n'irais jamais au bout de l'exercice.

- Il ne compte pas, celui-là, tu n'as pas touché le banc !
- .... 'tain
- Allez plus que 3 !
- gnnnnnn
-...2....
- ggggnnnnAAAA
-... 1....
- RHAAA !
- C'est ça ! Marche pour récupérer.

Je ne peux même plus marcher tellement j'ai mal. Un coup d’œil à ma montre. Putain, ma fréquence cardiaque est à 179.... J'essaye de respirer, mais j'ai du mal. Je suis sous antibio pour une bronchite, c'est peut-être ça. Je ne sais pas. Pascal me parle mais je n'entends pas ce qu'il me dit. Pourtant, il est à deux mètres de moi. Je n'entends que mon souffle, devenu sifflement. Court. De plus en plus court. Merde. Je n'arrive plus du tout à inspirer. Merde merde et merde. Je crois bien que je vais chialer. On dirait le plongeur japonais, dans le Grand Bleu, qui tombe dans les pommes sur le ponton, à force d'hyper ventiler... Si je n'étais pas en train de m'étouffer, je me marrerais bien un coup. Mais là, tout de suite, c'est seulement le désarroi, que je sens monter en moi. Et la colère. Contre Pascal, pour m'avoir poussée, et contre moi-même, pour ne pas m'être montrée à la hauteur. Pourtant, je sais qu'il n'y a qu'une chose à faire : me calmer. Je m'assieds sur le banc. Pascal me parle toujours, il me dit sûrement que ça n'est pas grave, qu'il faut que je me détende et que je respire tranquillement, mais je ne l'entends pas... Peu à peu ma respiration reprend de l'amplitude... De loin, j'entends Pascal me parler de mon ventre. Il m'a rejointe sur le banc et guide ma respiration. Je me laisse porter par sa voix.


- C'est bien, Caro, c'est bien...


Je sens l'air affluer enfin dans mes bronches, et mon diaphragme s'assouplir.

-... Allez accroche toi, tu vas y arriver...

J'ouvre à nouveau les yeux. Je respire.

-...  Il ne te reste plus que 2 séries de 15.

Pendant une fraction de seconde, j'ai pensé qu'il plaisantait.

- Quoi ?!
- Il ne te reste plus que 2 séries de 15. Tu reprends dans 30 secondes.

Ah ok, pardon, j'avais pas compris ! ...
C'est donc un psychopathe. Il ne me lâchera pas, tant que je n'aurai pas fait ses putains de séries de 15... Je le déteste.

-... 8... Oui, c'est bien, cette énergie.... 9... mais canalise ta colère...

Ah, ça se voit, donc.
J'ai fini la dernière série dans un râle assez inhumain, laissant sur le tapis le peu d'énergie et de féminité qui me restaient. 
Très vite, le plaisir d'avoir tenu bon l'emporte pourtant sur tout le reste. Et les rires reprennent.
Mais je pense que je vais garder encore longtemps le souvenir de la peur, de la colère, et de la souffrance.

- tu comprends maintenant, dans quel esprit on va travailler ? me lâche-t-il dans un sourire.

Je comprends bien, oui.


2 commentaires:

  1. allez continue comme ca...
    et tjs avec autant de derision et d'humour :D

    ta gitana

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